A défaut du « big bang » de Muriel Pénicaud reporté sine die, voici le mien en trois points : mettre le salarié au centre du choix de sa formation en lui donnant des moyens d’être acteur du changement, valoriser le CPF (Compte Personnel de Formation) en fonction de son âge et renoncer définitivement à tout agrément des organismes de formation.

Sur le constat, tout le monde est d’accord : le système de la formation professionnelle continue est coûteux, injuste et peu efficace. Or, pour relever les défis du monde de demain, nous avons besoin que ce système fonctionne mieux. C’est la raison pour laquelle il faut avoir plus d’ambition et envisager de nouveaux moyens. Voici les trois objectifs de mon « big bang » :
Premier objectif : mettre le salarié au centre du choix de sa formation et l’inviter à participer davantage à la transformation du monde. C’est l’objectif majeur. Ce qui veut dire réduire le nombre des acteurs qui interviennent : entre le manager, les RH, les syndicats, le marché de la formation, l’Etat, les OPCA, les circuits et institutions d’agrémentation… on le voit bien, tout le monde s’en mêle, raison pour laquelle le système ne marche pas ! Faisons donc en sorte que chaque salarié soit lui-même en mesure, à tout moment, de faire le choix de sa formation. Pour cela, il faut qu’il dispose de deux outils : une aide expérimentée et neutre pour bien réfléchir à ce choix en fonction de son parcours, de ses acquis et des perspectives économiques (ceci ne va pas de soi) ; et un financement pour obtenir la formation la plus judicieuse (c’est le deuxième objectif).
Une précision : on dit que la formation doit permettre aux salariés de s’adapter aux évolutions futures. Mais elle doit leur permettre également de transformer le monde en participant activement aux innovations. N’est-ce pas ce que l’on salue tous les jours dans le monde des start up ? C’est d’ailleurs ce qui figurait dans le préambule de l’article 1 de la Loi de 1971 : (la Loi) doit favoriser la promotion sociale (des salariés) mais aussi « favoriser leur contribution au développement culturel, économique et social ». Ce devrait être toute l’ambition de la réforme annoncée : rendre le salarié acteur de son évolution mais aussi acteur de l’évolution économique. Et pas seulement le cantonner à être un agent aveugle du techno-économisme, focalisé sur le développement de l’intelligence artificielle et du numérique… Donnons un exemple : cette réforme pourrait favoriser l’essor de l’agro-écologie au service des territoires ; une agriculture que ces territoires appellent de leurs vœux sans en avoir pour l’heure les moyens humains. Ainsi, en faisant évoluer par la formation des populations attirées par ce thème, la réforme permettrait non seulement de créer des emplois nouveaux en satisfaisant un réel besoin du marché mais elle participerait de façon innovante à la réduction de la pollution due aux effets nocifs du transport de nourriture.
Deuxième objectif : valoriser le Compte Personnel de Formation (CPF) selon l’âge du salarié. Il faut là aussi un « big bang » et tourner le dos à un système de financement qui n’a jamais marché. Souvenons-nous du DIF ou du CPF actuel dont la pauvre valorisation rend impossible toute idée de véritable formation sans y mettre de sa poche. Pourquoi ne pas imaginer un système plus simple qui mettrait à la disposition de chacun un droit de tirage personnel, étalé sur une période de 15 ans, et qui varierait en fonction de trois tranches d’âge ? Exemple : 3000 € pour un jeune salarié (20/35 ans), 5000 € pour salarié déjà expérimenté (35/50 ans) et 7000 € pour un salarié très expérimenté (50/65 ans). Pour les premiers, il s’agirait surtout d’une aide à l’insertion dans le marché de l’emploi : trouver sa voie et choisir sa future activité en fonction de ses propres capacités et des besoins du marché. Pour les seconds et les troisièmes, il s’agirait d’une aide à la poursuite de l’activité du salarié mais avec l’acquisition de compléments de compétence nécessaires ou bien d’une aide à sa reconversion. De sorte que chaque salarié, trois fois dans sa vie, pourrait, grâce à cette somme, bénéficier d’un accompagnement comprenant une vraie réflexion sur son évolution professionnelle jusqu’au financement de la formation choisie. Un financement qui serait puisé dans la somme des 20 milliards annuellement dépensés auprès des organismes de formation, multipliée par les 15 années que représente chaque tranche d’âge. Autrement dit, la ressource existe pour accompagner une évolution désirée ! Et si l’entreprise veut en rajouter pour accompagner ce désir, rien ne l’en empêche…
A l’heure où le discours ambiant est rempli d’injonctions à changer de métier plusieurs fois au cours de sa carrière, quoi de plus adapté qu’un système de formation qui accompagne ces ruptures ?
Troisième objectif : renoncer à toute forme d’agrément des organismes de formation. Cet objectif n’est pas le moindre. Car qu’entend-on dire : « Il est difficile de s’y retrouver dans cette offre pléthorique, comment choisir de façon avisée la meilleure formation pour évoluer professionnellement… ? » On laisse ainsi penser qu’un système d’agrément accordé ou non aux organismes de formation faciliterait pour chaque salarié la recherche d’une formation de qualité ; en oubliant un peu vite l’importance de toute l’aide à la réflexion en amont, abordée plus haut.
La vérité est que l’agrément de l’offre actuelle de formation, certes atomisée, risque de détruire l’esprit même de la réforme. Vouloir réduire ce marché de l’offre consisterait en effet à se priver d’un ressort que l’on essaie de multiplier par ailleurs : je veux parler de l’esprit entrepreneurial tant vanté et de l’esprit d’innovation qui vont de pair ! On ne voit pas en effet pour quelle raison ce qui marche dans cette émulation entrepreneuriale, ne fonctionnerait plus dès lors qu’il s’agit de formation professionnelle… Enfin, qui sera agréé (et comment ?) pour délivrer cet agrément aux organismes de formation ; qui sacrera ou ne sacrera pas ? La question serait comique si elle n’était tragique pour tous ces petits opérateurs qui contribuent tous les jours avec ardeur à l’invention de solutions nouvelles et efficaces pour les entreprises, malgré la puissance d’opérateurs, plus gros, qui les utilisent massivement comme sous-traitants…
C’est en redonnant la main au salarié sur son évolution professionnelle avec de vrais moyens et en conservant une offre variée de formation que le « big bang » ainsi créé, permettra de construire le monde innovant de demain dont la France a tant besoin !
Yves Maire du Poset
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J’aime le mot d’Emmanuel BERL : je n’écris pas pour dire ce que je pense mais pour le savoir. Comme beaucoup, je suis inquiet du temps présent et de la tournure que l’avenir prend. Aussi, j’éprouve ce besoin de mettre en mots ce que je n’entends ni ne lis nulle part ; avec l’espoir sans doute un peu naïf, d’y parvenir…
Au soir de sa vie, un hommage est rendu à un vieux professeur sous la forme d’un livre qui lui est consacré. Tout y est décrit : son parcours dont chaque épisode est savamment raconté, ses œuvres, son influence dans son domaine… pas le moindre commentaire fait par lui, paru çà et là, n’a échappé à la représentation écrite de cette vie devenue exemplaire.
Le malaise des salariés ne révèle pas seulement une perte de confiance dans leur entreprise et un profond désengagement. Il sonne surtout la fin de leurs illusions quant à leur carrière : un contrat implicite fait de confiance et d’engagement les liait à leur entreprise, contrepartie d’une évolution professionnelle durable. Mais avec les formidables évolutions technologiques et organisationnelles que nous connaissons, ce contrat de confiance est définitivement rompu.
Les paradoxes dans l’entreprise sont légion et la mobilité interne en est un bel exemple : tout le monde la veut mais personne ne l’obtient. Elle comporte ces contraintes antagonistes que l’on fuit naturellement par crainte de la complication mais qu’avec un peu de courage, d’esprit d’innovation et de conciliation, on peut résoudre.
Imaginez : un dîner entre amis où chacun évoque le destin de ses chers petits devenus parfois bien grands … Soudain une mère s’échappe et revient avec la thèse de son fils, jeune doctorant. Avec la fierté d’un Artaban plein d’humour, elle ouvre le document sur la dédicace écrite par ce jeune auteur dans lequel un éloge est fait de tous ceux qui l’ont aidé à atteindre ce sommet. Celui des parents et de la famille n’est pas mince. Chacun y est mentionné pour son apport particulier et l’on voit avec éclat que tous ces liens du quotidien, longuement façonnés par l’affection, représentent pour ce jeune doctorant l’un des ingrédients majeurs de sa réussite.

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