20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 08:42

Une chose n’a pas été dite dans cette affaire : elle illustre magnifiquement le déni de l’expérience que la société moderne affiche partout. Elle montre que l’expérience n’est pas nécessaire pour atteindre des sommets. Un constat qui reste incroyable quand on sait la place que celle-ci occupe dans l’alchimie de la compétence et de la réussite professionnelle.

On avait connu ça avec J2M, brillant expert financier mais sans culture de management, passé en un éclair à un rôle de manager d’une entreprise de 120 000 salariés : il n’a pas fallu plus de quelques mois pour que l’enfant explose avec son joujou… Or faut-il rappeler que toute une génération de décideurs a contribué à son couronnement ?

Le sort pitoyable des seniors sur le marché de l’emploi est un autre exemple de ce déni de l’expérience. Même constat pour les jeunes qui ont un mal fou à faire reconnaître par les entreprises les mérites qu’ils ont acquis en multipliant leurs stages ! A croire que les leçons tirées de l’expérience ne servent pas…

Pourtant on parle beaucoup d’expérience dans l’entreprise : dans les Bilans de Compétences où elle est analysée mais aussi par l’entremise de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) ; avec également l’essor de l’alternance que certaines écoles de renom ont cherché à développer. Tout ceci donnant l’impression d’un hommage constant rendu à l’expérience.

Hélas, la réalité est tout autre : quand on sait la difficulté de faire valoir sur le marché du travail une candidature sans le diplôme ou l’âge requis, quand on voit le nombre confidentiel de Bilans de Compétences faits en France et la réalité des prises en compte des VAE dans l’entreprise, on est en droit de se poser des questions. D’ailleurs, le fait même d’avoir été obligé de mettre en place un processus de VAE si lourd pour témoigner de son expérience en dit long sur le peu d’intérêt que l’entreprise a pour l’expérience. Quant aux formations en alternance, elles restent l’exception.

Oui, le sort actuel réservé à l’expérience est inquiétant. Rappelons que ce qui fait la valeur ajoutée de l’offre professionnelle d’un salarié est constituée de plusieurs éléments dont l’expérience n’est certainement pas le moindre. Au départ, ce salarié dispose de connaissances provenant en partie de son parcours scolaire et universitaire. Il possède aussi des motivations qui expriment ce qui l’attire naturellement. Il dispose enfin d’une personnalité construite avec le temps et qui fait de lui plutôt l’Homme de l’analyse ou de la synthèse, celui du détail ou de la vision globale, celui du concept ou du concret, ou encore celui de l’imagination ou des réalités, etc. Or ces trois ingrédients - connaissances, motivations et personnalité - ne peuvent avoir de réalité si l’expérience n’y a pas mis son grain de sel. C’est elle seule qui met en marche ces trois éléments de manière profitable : avec la confrontation aux réalités qu’elle provoque mais surtout avec la formidable rencontre des autres qu’elle permet et l’apprentissage des savoir-être qui en découle, l’expérience rend enfin possible l’émergence d’une véritable compétence. C’est cette part de culture humaine irremplaçable apportée par l’expérience qui donne tout son sens au travail.

C’est pour toutes ces raisons que la compétence ne peut être appréciée valablement sans reconnaissance de l’expérience. En faisant fi de son mérite, on se prive de ce fameux coup de main qui fait que la mayonnaise de la compétence va prendre avec le temps et donner confiance en soi. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons accéder à la conscience aiguë de ce que l’on est capable de faire avec aisance comme à la découverte de nos limites.

Mais voilà, la compétence acquise grâce à l’expérience est un concept plus compliqué à évaluer que l’appréciation de simples connaissances abstraites, des diplômes ou de l’âge. Or ne nous y trompons pas : c’est en raison même de la  complexité de son évaluation que l’expérience est déniée. Il est en effet plus facile de cantonner son attention aux évidences ou à ce qui est chiffrable en tournant le dos aux  domaines comportementaux et relationnels infiniment plus subtils à percevoir. Mais faire l’impasse sur cette part d’humanité vertueuse qu’apporte l’expérience, c’est faire un pari dangereux sur la réussite professionnelle. Et c’est, hélas, prêter le flanc à un monde qui court aveuglément vers la déshumanisation du travail.

La crise financière récente n’en est-elle pas le meilleur exemple ? N’apporte-t-elle pas la preuve irréfutable que si la maîtrise des mathématiques permet, sans doute, d’exceller dans l’art de faire de savantes opérations financières, elle conduit, sans expérience humaine véritable, à des comportements sans intelligence et à de sombres échecs ?

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