17 janvier 2023 2 17 /01 /janvier /2023 15:55

Cette réforme est dangereuse car elle ne répond pas aux vrais enjeux, ceux du long terme ; elle n’est pas non plus nécessaire car la situation financière n’est nullement catastrophique.

Une réforme qui ne répond pas aux vrais enjeux

Le danger d’une telle réforme est qu’elle va fragmenter un peu plus non seulement la famille mais la société dans son ensemble, sans jamais prendre en compte le contexte politique et « civilisationnel » qui est le nôtre.  Voici pourquoi :

1 La réforme va frapper en particulier les sexagénaires qui ont à la fois besoin de temps pour s’occuper de leurs parents âgés et de disponibilité pour accueillir leurs petits-enfants. Si on les oblige à travailler plus longtemps, comment feront-ils ? Faut-il vraiment réduire encore nos liens familiaux et inciter ces sexagénaires à choisir plus rapidement l’EHPAD pour leurs parents et à renoncer à leur devoir de grands-parents ? Nos politiques n’ont visiblement pas intégré les conséquences de tels changements. A tel point qu’on se demande à partir de quelle réalité humaine ils prennent leurs décisions ? Que font-ils du temps des retraités consacré à la garde de leurs petits-enfants, soit près de 100 millions d’heures par mois ?  Un chiffre auquel il faudrait ajouter le temps consacré à leurs vieux parents.

Allons-nous prêter une fois de plus le flanc à l’accélération de l’effritement de la famille, sans cesse pétrie par une machine économique qui n’en a que faire ?

2 Cette réforme va frapper de plein fouet les femmes. Ce point est très peu évoqué dans les medias. Voici un exemple :

  • Aujourd’hui, une femme née en 1968, qui a commencé à travailler à 23 ans et qui a élevé 2 enfants aura totalisé les 170 trimestres nécessaires pour partir avec une retraite à taux plein à l’âge de 61 ans et 6 mois (154 trimestres cotisés + 16 trimestres pour enfants). Elle devra cependant attendre 62 ans, l’âge légal pour demander sa retraite, soit travailler 6 mois de plus.
  • Avec la réforme prévue, cette même femme aura totalisé les 172 trimestres nécessaires pour partir avec une retraite à taux plein à l’âge de 62 ans (156 trimestres cotisés + 16 trimestres pour enfants). Mais elle devra attendre l’âge de 64 ans pour partir à la retraite. Il lui faudra donc travailler 2 années de plus.

Précisons qu’une femme, avec de semblables paramètres, ayant commencé à travailler plus tôt que dans cet exemple ci-dessus, et/ou ayant élevé plus que 2 enfants sera encore davantage pénalisée.

En fait, cette réforme est un véritable tour de passe-passe consistant à reprendre aux femmes ayant élevé des enfants une partie, voire la totalité des trimestres qui leur sont attribués pour cette raison. Rappelons que cette majoration dite « Maternité/Education » est une juste compensation faite aux femmes qui assurent en très grande partie la survie du système. Car est-il besoin de le rappeler, ce sont les femmes qui non seulement « font » les cotisants futurs mais qui, principalement, les torchent, les nourrissent, les éduquent… bref les élèvent jusqu’à l’âge adulte où le relais sera pris par ces nouveaux cotisants… !

Cet acharnement à scier la branche sur laquelle nous sommes assis serait presque comique s’il n’y avait pas derrière tout cela un aveuglement tragique.

Avec cette réforme, une chose est certaine : nous sommes gouvernés par des hommes peu concernés par le sort des femmes et des familles. Elle porte décidément un cynisme ahurissant.

3 Il faut dire aussi que maintenir un peu plus les sexagénaires « au boulot » va toucher un pan important de l’activité économique : le monde associatif. Faute de combattants (s’ils sont maintenus au travail), comment ce monde fera-t-il pour trouver les siens dont le vertueux bénévolat apporte tant de solutions à une société qui ne comptabilise jamais ses bienfaits ? Nos politiques n’ont visiblement pas intégré le nombre de retraités engagés dans ce monde associatif, estimé à l’équivalent de 100 000 emplois.

La réalité sociétale n’est décidément pas prise en compte. Est-ce une faiblesse d’analyse de nos décideurs ou la mauvaise intention d’alimenter le secteur privé qui se lèche les babines chaque fois que le secteur public est réduit, chaque fois qu’on atrophie les liens et les services gratuits ? Peut-être les deux… ?

Une situation qui, financièrement, n’est pas catastrophique  

4 Les aspects financiers, pour peu qu’on s’y penche avec attention, montrent qu’il s’agit d’un sujet qui n’appelle pas de réforme mais plutôt des ajustements.

Les déficits à venir sont temporaires ; il s’agit des 15/20 prochaines années dit le COR (Conseil d’Orientation des Retraites). De plus, ils sont minimes comparés à la masse des pensions versées : environ 3 à 5 %. Or pour combler ces déficits, un faible supplément de cotisations suffit, surtout s’il est étendu au-delà des seuls actifs : par exemple, on pourrait associer les entreprises avec une infime partie de la richesse produite grâce aux gains de productivité. C'est après tout un juste retour de la mécanisation qui fait disparaître l’humain dans l’entreprise comme dans l’administration.

En vérité, seule la pression des paramètres de l’Union Européenne nous impose une telle réforme. Mais que sont-ils, ces paramètres, pour nous dire quel modèle la France doit promouvoir ? Ne devrions-nous pas plutôt être fiers d’un taux/PIB de 14% consacré à nos aînés ? Il ne faut jamais oublier qu’il s’agit de nos cotisations et que, contrairement à l’idée serinée par les medias selon laquelle nous devrions avoir honte en nous comparant aux autres, nous avons un système de retraites exemplaire. Du moins l’a-t-il été et l’est-il encore ; mais… demain ?

Etranges dilemmes politiques décidément entre une soi-disant raison économique et la réalité des situations…

Pour ma part, je ne vois dans une telle réforme des retraites que l’obstination de « chiffreux » qui agissent comme de bons soldats sans se rendre compte des réalités. Un peu comme des enfants contrariés que la colère rend aveugles et qui piétinent de rage… !

Jeudi, je ne serai pas libre à partir de 14h.

Yves Maire du Poset

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