De l’intérêt de relire pour ouvrir de nouveaux horizons…*
Un ami me fait remarquer que dans « Le loup » de Jean-Marc Rochette, cette belle bande dessinée dont je me suis servi pour mes vœux en janvier 2023, il y a une deuxième histoire.
Intrigué, j’ai relu ce récit d’une guerre classique mais surprenante entre un loup et un berger, qui se termine par une paix ardemment conquise et sans doute improbable : c’est la première histoire.
Cet ami a raison, il y en a une deuxième et même d’autres – qui ont trait aux aspects économiques, historiques et anthropologiques – des histoires développées dans la postface écrite par Baptiste Morizot. Je rappelle qu’il est un philosophe ayant un attrait fort pour le monde du vivant.
Sous des angles différents cette postface raconte la distance que la modernité a installée entre le loup et le berger et en évoque les désastreuses conséquences.
Un exemple : cette guerre ancestrale entre le loup et le berger a toujours existé. Mais ce qui la rend aujourd’hui particulièrement anxiogène pour le berger, c’est qu’il ne sait plus gérer ses relations avec le loup. Il s’est en effet habitué à sa longue absence. Et, en couvant par trop ses brebis, il les a rendues peu habiles à résister, non seulement au loup mais aux dangers de la montagne. Elles n’ont plus la résistance de leurs ancêtres, les mouflons sauvages qui savaient se mouvoir sur des lieux accidentés. Par conséquent, elles sont devenues des proies faciles.
C’est l’un des thèmes soulevés par cette deuxième lecture qui dit clairement qu’avec le vivant, il ne peut y avoir de perdants et de gagnants sur un même territoire ; seul l’équilibre des intérêts de tous compte et le partager doit être une priorité. Il s’agit, nous rappelle Baptiste Morizot, d’enterrer les relations belliqueuses, d’oser ouvrir une ère de relations nouvelles, quitte à « bricoler des formes étranges de réciprocité et de cohabitation, des pactes concrets, qu’il faut inventer, expérimenter, jusqu’à ce que ça marche. »
Aussi, à l’heure où tant de menaces guerrières et environnementales nous guettent, ne devrions-nous pas nous inspirer d’un tel exemple ? Comme le monde du vivant l’exige, n’est-il pas temps de mobiliser notre imagination et nos capacités d’invention pour retisser des liens nouveaux capables de calmer les conflits ?
Mais une question se pose : sommes-nous suffisamment équipés pour relever un tel défi ? L’actualité démontre, hélas tous les jours, que tel n’est pas le cas…
Yves Maire du Poset
* un jour, un jour, c'est sûr, j’écrirai un papier sur les mille bonheurs de la relecture…