6 avril 2017 4 06 /04 /avril /2017 16:51

Indécision, incertitude, menace de désertion massive… ponctuent cette présidentielle. Tout se passe comme si les politiques ne parvenaient pas à convaincre les Français d’aller voter.

Quelle clé leur manque-t-il pour parvenir à les mobiliser ?

J’aime le mot d’Emmanuel BERL : je n’écris pas pour dire ce que je pense mais pour le savoir. Comme beaucoup, je suis inquiet du temps présent et de la tournure que l’avenir prend. Aussi, j’éprouve ce besoin de mettre en mots ce que je n’entends ni ne lis nulle part ; avec l’espoir sans doute un peu naïf, d’y parvenir…

A quelques semaines de la présidentielle, que voyons-nous ? Une absence de débats et un déballage de programmes convenus, de constats, de chiffres si froids et si insignifiants que les Français, déroutés, restent en retrait : ils n’adhèrent pas et manifestent comme jamais leur volonté de s’abstenir ou de voter blanc ; et quand ils se mobilisent, c’est le plus souvent par dépit ou par faiblesse : ils veulent un sauveur, une idole…

Dans cette présidentielle, quelque chose manque ! Quelque chose qui ferait que les auteurs de ces programmes soient suivis !

Je vous livre une idée : comme le sait un bon médecin, le succès de la guérison appartient à celui qui, après le temps d’une observation sérieuse et l’étroite complicité du malade, identifie et désigne le mal en le nommant. Cela s’appelle faire un diagnostic. Or où est ce véritable diagnostic sur l’état de la France ? Où est ce levier puissant pour mobiliser les Français sur leur guérison ? Les ordonnances affluent mais le diagnostic, je ne le vois nulle part. Et ne me dites pas que pointer le niveau d’endettement ou le poids des dépenses publiques est un diagnostic sérieux. Dire que le malade a de la fièvre est du même ordre, il ne s’agit là que d’un simple constat qui ne règle rien. J’ajoute qu’un bon diagnostic comporte une ouverture sur l’avenir : quelle vie puis-je espérer avoir si je guéris ?

Voici en quelques lignes mes constats : sur la démesure qui marque l’époque sur tant de sujets, les Français ressentent un sentiment d’impuissance qu’ils ne peuvent plus supporter. Ils ne savent pas comment sortir de ces excès. Ils sont inquiets. Pire, ils sentent que ceux-là même qui devraient maîtriser ces questions, les politiques, sont dans la même difficulté qu’eux. Ce mal dont ils souffrent est la conséquence d’une technicité et d’une mondialisation hypertrophiée dont l’omniprésence désagrège leur vie de tous les jours, leur travail, leurs Institutions, leur santé, leur territoire… Or parce que ce mal n’a pas fait l’objet d’un diagnostic sérieux et partagé, il continue de se répandre. Ce mal a un nom : la dépression. Celle qui terrasse tout sujet conscient qui perd la main sur la conduite de sa vie.

En procédant ainsi, c’est-à-dire en exprimant les inquiétudes supposées des Français, un diagnostic fait davantage qu’un simple constat. Il entre dans le champ de leurs préoccupations intimes face à un monde déroutant auquel ils n’adhèrent pas.

Or au lieu de leur parler de leurs problèmes, les politiques s’échinent à leur parler de dette, de déficit, de croissance molle, de ratios sur PIB en berne… Pire encore, ils leur rappellent incessamment qu’il leur faut rattraper les autres pays qui, eux, sont déjà dans la course à la modernisation… Tout ceci se faisant sur fond de déculturation et de désagrégation institutionnelle et humaine dont le mouvement lent mais sûr, accentue la douleur des Français !

On comprend que la démarche empathique du bon médecin traditionnel embarrasse les politiques. Il y a là comme une difficulté d’ordre culturel qui fait qu’ils ne comprennent pas ce qu’il faut faire (ce qui n’est d’ailleurs pas le seul fait des politiques…). En paraphrasant La Fontaine dans « Les deux amis », on pourrait dire : le politique ne sait pas chercher les besoins des Français au fond de leur cœur et leur épargner la pudeur de les lui découvrir eux-mêmes…

Faute donc de diagnostic, peu de mobilisation. Or rien de grand ne peut se faire sans ce diagnostic partagé, condition d’un vrai débat sur les choix à faire.

C’est pourtant comme cela que les Français se mobiliseront et se rassembleront et non à l’instigation de ces appels rêveurs au rassemblement ou à je ne sais quel recomposition politique ! En juin 1940, quand de Gaulle appelle les Français à se mobiliser, il a pris le soin d’analyser la situation avant de s’appuyer sur un diagnostic approfondi avec une vision de l’avenir crédible pour s’en sortir. De même, imaginez sa tête face à un journaliste lui demandant combien de déficit ou de dette il prévoyait à la libération… sans doute un tel freluquet aurait-il été renvoyé à ses chères études !

Nous avons en France tout ce qu’il faut pour relever ce défi d’un vrai diagnostic. Si nous ne le relevons pas, en mai prochain, nous aurons un président mais rien de sérieux ne se produira.

C’est la raison pour laquelle, que vous soyez de droite ou de gauche, tourné vers le passé ou vers l’avenir, ayant la foi ou ne l’ayant pas, que vous soyez adepte du progrès ou du conservatisme, que vous soyez en haut ou en bas, conscient et instruit des menaces de ce monde ou pas, farouchement engagé individuellement dans la vie ou que vous soyez plutôt dans un entre-deux hésitant…, je vous conjure de ne souscrire à aucun programme à ce stade. Mais plutôt de faire d’abord ce diagnostic par vous-même. Sachons prendre du recul pour nous poser des questions simples et tenter d’y répondre : dans quel monde voulons-nous vivre ? Quelle place voulons-nous donner à notre part d’humanité dans ce monde futur… ?

Sortons enfin de ce fanatisme délirant de l’immédiateté médiatique qui freine toute tentative de comprendre de quoi sont vraiment faites nos réalités. Réfléchir par soi-même n’est-il pas le meilleur moyen ? Enfin, un dernier message aux politiques : a-t-on jamais trouvé mieux pour fabriquer du succès sur un sujet que de parvenir à mobiliser ceux qui sont concernés au plus près ?

Il reste à peine 3 semaines…

Yves Maire du Poset, consultant et citoyen parmi d'autres...

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3 janvier 2017 2 03 /01 /janvier /2017 16:01

Avant de nous plonger à corps perdu dans nos projets, sachons nous retourner un moment sur le passé et payer nos dettes !

Au soir de sa vie, un hommage est rendu à un vieux professeur sous la forme d’un livre qui lui est consacré. Tout y est décrit : son parcours dont chaque épisode est savamment raconté, ses œuvres, son influence dans son domaine… pas le moindre commentaire fait par lui, paru çà et là, n’a échappé à la représentation écrite de cette vie devenue exemplaire.

Séduit par ce travail et cet éloge, le professeur reste pourtant frappé par une idée : l’essentiel y figure-t-il ? Car très vite, il se rend compte que rien n’est dit d’une rencontre déterminante qu’il a faite, étant jeune universitaire, avec celui qui lui transmettra cette étincelle qui va marquer toute sa vie de chercheur. Pas un mot n’évoque en effet l’existence de ce transmetteur de passion, de méthode et d’ouverture qui l’a fait être ce qu’il est aujourd’hui, l’un des meilleurs de sa spécialité. *

Que faisons-nous de nos dettes culturelles ?

Parce que le thème de la dette est devenu une véritable obsession (certes sur un autre plan…) mais surtout parce que le thème du passé a désormais moins de succès que celui du futur (ce qui est évidemment discutable…), sans doute est-il plus que jamais utile de chercher à identifier ou reconnaître toutes nos dettes culturelles qui, malheureusement, passent le plus souvent à la trappe… ? Des dettes qui ne concernent pas seulement ceux qui ont été nos mentors mais tous ceux, proches et moins proches, que nous avons côtoyés et dont une remarque ou un conseil, parfois un trait d’humour, un regard ou encore un exemple de vie… nous aura fait grandir.

Qui paie ses dettes s’enrichit…

Il faut payer ses dettes culturelles pour au moins deux bonnes raisons (je pense particulièrement à ceux qui sont dans le besoin, parfois dans la nécessité d’évoluer, de rebondir, d’aller vers un nouvel ailleurs...) : c’est en faisant cet effort de mémoire (souvent devenue une vraie passoire) que nous enrichissons le regard que nous portons sur nous-mêmes et que nous comprenons mieux qui nous sommes ; c’est un bon moyen de se renforcer pour préparer l’avenir. La deuxième idée est qu’en procédant de la sorte, nous retrouvons quantité de points d’appui pour enrichir le tissu relationnel que nous avons créé mais qui, au fil du temps, s’est défait ; à nous de le réactiver !

En somme, en travaillant cette question de la dette culturelle, nous nous allégeons d’un poids de trop et rendons plus sûr notre avenir. N’est-ce pas là un objectif primordial à l’aube de cette nouvelle année ?

Yves Maire du Poset

* Il s’agit d’une histoire racontée par Stefan ZWEIG dans « La confusion des sentiments »

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28 juillet 2014 1 28 /07 /juillet /2014 18:47
Dès janvier 2015, chaque salarié devra bénéficier d'un entretien professionnel tous les deux ans. D'ores et déjà, il est conseillé de bâtir une stratégie pour pousser ses pions en interne. Les préconisations d'Yves Maire du Poset, expert en mobilité.

Exit l'entretien de deuxième partie de carrière, vive l'entretien professionnel. Une rencontre de plus? Pas seulement. A partir de janvier 2015, il s'agira pour l'employeur de faire un "état des lieux récapitulatif" de votre parcours professionnel en interne. Distinct de l'entretien d'évaluation, il formalisera une nouvelle obligation des entreprises, celle de veiller à la progression de ses salariés. L'occasion de prendre la main, de parler de soi, d'aborder tous les registres afin d'ouvrir de réelles perspectives de mobilité. Voici sept pistes proposées par Yves Maire du Poset, dirigeant du cabinet Piloter ma carrière*, pour anticiper et étayer une "offre professionnelle" charpentée et éloquente.

 

1- Evacuer l'a priori: "on me connaît"

Actif dans la maison depuis 10, 15 ou 20 ans, vous pensez que votre chef, votre gestionnaire de carrière ou le DRH a bien cerné votre profil. Rien n'est moins sûr! Nombre de managers ne repèrent que la technicité nécessaire à votre job. Or chacun de nous a de multiples facettes et une puissance professionnelle supérieure à ce que nous utilisons. C'est cela qu'il va falloir démontrer si vous voulez ouvrir d'autres portes. Le jour "J", votre supérieur risque de vous accueillir en disant "Je sais, depuis le temps que nous travaillons ensemble". Apprêtez-vous à répondre, "oui mais j'aimerais juste te rappeler en trois mots qui je suis..." ou "t'informer que...".

 

2- Noter faits et idées notables au fil de l'eau

Il s'agit de récolter dès aujourd'hui le matériau nécessaire à votre réflexion. Munissez-vous d'un cahier et renouez avec l'écriture. Formaliser noir sur blanc permet de mémoriser, de formaliser des idées et des mots justes. Dès qu'une pensée ou un souvenir professionnel intéressant vous vient dans le métro, le bus, une salle d'attente, au restaurant... notez-la illico sinon elle vous échappera. Et consacrez 1 à 2 pages à chaque thème afin de vous y retrouver aisément par la suite.

3- Prendre des RV avec soi-même

Réservez-vous sur votre agenda des temps de 45 minutes, une fois par semaine au moins, avec cet intitulé: "Mon moment". Le seul moyen de s'extraire de l'agitation quotidienne. Fermez tout, la porte de votre bureau, oubliez vos téléphones et votre ordinateur. Vous n'y êtes pour personne, même pour le boss. Profitez aussi de l'interruption estivale sur la plage ou à la campagne, pour vous projeter dans l'avenir. L'éloignement du bureau aide à faire le bilan et à faire le point sur son potentiel.

 

4- Bâtir sa courbe de carrière

Durant ces retours sur soi, revisitez votre parcours professionnel. Prenez une feuille de papier et un crayon. En abscisse, indiquez-en les dates significatives -poste, entreprise, responsabilités- et en ordonné un taux de satisfaction de 0% (l'enfer) à 100% (le paradis). Dessinez une première courbe croisant ces items. Puis réalisez une deuxième courbe plus détaillée en illustrant chaque étape clé de faits concrets (missions, tâches, résultats). Les hauts et les bas vous sauteront aux yeux et vous éclaireront sur les points majeurs à creuser: ce qui vous a permis de réussir; ce qui a conduit à l'échec. N'omettez aucun domaine: compétences, motivation, environnement, moyens... Puis relevez ce qui vous a rendu heureux et ce qui vous a paru pénible. Et élucidez le pourquoi.

5- Repérer ses "fiertés"

Interrogez-vous: "Qu'est-ce que je sais faire de mieux? De mieux que d'autres? Qu'est-ce qui me fait vibrer?". Vous allez débusquer des talents particuliers, différenciants, valorisants et que vous pourrez exploiter dans l'avenir (sens diplomatique, habileté manuelle, etc.). Je me souviens d'un ingénieur confirmé, qui, lorsqu'il débuta en bureau d'études chez Renault, résolut un casse-tête d'agencement de pièces mécaniques grâce à l'utilisation d'un chewing-gum. Son ingéniosité avait épaté ses collègues. Ce "Géo Trouve tout" a l'art de raconter cette anecdote dans tous types d'entretiens et elle marque les esprits.

6- Ecrire et "pitcher" cinq expériences réussies

Il s'agit d'exhumer les ingrédients du succès. Là encore, prenez un papier et du crayon et narrez à chaque fois sur deux pages au maximum un projet bien mené. Explorez systématiquement trois chapitres: le problème, ce que j'ai fait (ou "nous avons fait"), le résultat. Cela permet de structurer le raisonnement. Relisez-vous et affinez le texte en montrant ce que cette histoire a d'unique par rapport à d'autres similaires: un savoir-faire, une méthode, un goût du contact. Enfin résumez-la en trois lignes en vue d'accrocher votre futur interlocuteur en un temps record.

7- Aller à la rencontre d'autres métiers

Comment vous voyez-vous dans 5, 10 ou 15 ans? La question est difficile, mais elle a son importance. Rencontrez des pairs ou des hiérarchiques des services d'à côté pour clarifier vos envies et, le cas échéant, changer votre image. Tel cet ingénieur d'une grande SSII qui à 47 ans, se voyait bien en "communicant". Il était doué à son poste, mais dans le fond il s'ennuyait. Il a osé se renseigner autour de lui et dire son aspiration à son n+1 et aux RH alors qu'il n'avait pas la formation ad hoc. Comme il avait un solide esprit de synthèse, une bonne plume et un bel appétit en matière relationnelle, il a fait valoir ses arguments et a pu bifurquer à la direction de la communication. Meme pour les timides, aborder vos voisins d'étage n'est pas si compliqué: "je travaille sur tel sujet, vous pourriez sans doute m'aider... Et vous, votre métier consiste en quoi précisément?". Les gens adorent parler d'eux. En plus ils mentionneront peut-être de jolies opportunités intra muros.

 

http://www.lexpress.fr/emploi/gestion-carriere/sept-conseils-pour-bouger-en-interne_1550212.html 

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5 mai 2014 1 05 /05 /mai /2014 12:44

Les-Echos-5-mai-2014.jpgEt si, pour changer d´air, vous faisiez un petit détour par un bon « classique » fourmillant d´idées qui ne manqueront pas d´enrichir vos réflexions et de vous aider dans vos actions futures ?

Avec Balzac, on n´est jamais déçu. Forcément il y a tant de choses dans ses livres : des personnages hors du commun, des aventures incroyables, des leçons de vie, des perles à chaque page qui ne cessent de vous arracher sentiments d’admiration, élans d’intérêt, voire de passion et, parfois, quelques rires jaunes parce que vous vous apercevez vite que c’est de vous dont il s’agit…

Sociologue, historien, psychologue, politique, moraliste, observateur en tous genres, rien ne l’arrête. Il sait vous entraîner dans le tourbillon de ses passions et de ses emportements. Lire un roman de Balzac, c’est accepter dès le départ d’en sortir transformé, comme ébouriffé par grand vent !

Si j’ai choisi aujourd’hui de vous parler de ce Médecin de campagne, c’est parce qu’il s’agit d’une belle histoire dont les enseignements sont fort intéressants et pleins d’actualité. Faut-il ajouter que le roman est si magnifiquement écrit qu’on entre dans l’histoire comme un ver dans la terre…

C’est quoi l’histoire ?C’est principalement celle d’un personnage haut en couleurs : Benassis. Il est médecin, arrive à mi vie dans un village du Dauphiné, en devient maire et, en quelques années,  sort toute la contrée de sa torpeur. Là où misère économique et pauvreté régnaient en dépit d’une riche nature, il sait créer peu à peu de la croissance avec toutes sortes d’activités agricoles et industrieuses. Sa technique ? Il commence par observer ce pays ; il repère vite ses  quelques ressources puis cherche à identifier les attentes des populations du canton et de Grenoble, la grande ville la plus proche. A force de travail et de conviction, il réussit à créer de nouvelles richesses. Un exemple : il constate que tous les paysans achètent à Grenoble les clayons dont ils ont besoin pour y livrer leurs fromages. Il convainc donc un paysan de cultiver de l’osier puis réussit dans la foulée à créer de toutes pièces une petite industrie fabriquant toutes sortes de produits de vannerie : paniers, claies… afin d’alimenter les marchés avoisinants. Fort de ce premier succès, il fait venir la main d’œuvre nécessaire pour accompagner l’essor de cette activité et crée ce qu’il faut pour satisfaire leurs nouveaux besoins… Ainsi en quelques années, Benassis crée-t-il un cycle économique et social vertueux. Tous sont derrière lui car il a su imposer son autorité mais il est surtout un homme de bien qui n’a d’autre but dans la vie que celui de servir.

Car là est son secret : on comprend que cette vie est l’endroit d’un envers moins illustre. Benassis rend en effet à l’humanité ce qu’il lui a pris dans sa jeunesse : en offrant désormais son intelligence et son expérience aux autres, il paye sa dette. Tout au long du roman, vous le verrez avec bonheur, Benassis va raconter cette vie passée et s’en expliquer.

Aujourd’hui, quels enseignements peut-on tirer d’une telle œuvre ?

Quelques lignes ne suffisent évidemment pas à rendre compte de sa richesse. J’ai donc choisi de ne sélectionner que deux enseignements, que notre modernité, si souvent dans l’excès, ferait bien de prendre en compte : l’un sur la marche de l’économie et l’autre sur le management.

Un enseignement sur la marche de l’économie. Si l’on suit notre médecin de campagne, pour créer de la croissance, il faut commencer par regarder à sa porte : là se trouvent les premiers besoins à satisfaire. Certes, ce ne sont au démarrage que des besoins primaires mais leur satisfaction créera vite la richesse suffisante pour ouvrir la porte à d’autres besoins plus élevés. Balzac faisait déjà ce constat que « c’est l’activité qui crée l’activité. »* 

Or avec  ce livre, nous mesurons notre échec actuel sur ce terrain de la création économique. Notre choix de nous retirer de certaines activités considérées comme inférieures n’en est-elle pas la cause principale ? En faisant le pari du développement uniquement technologique tout en renonçant au reste, nous avons fait le lit d’une croissance qui finalement s’éteint parce qu’incomplète et donc déséquilibrée.

L’exemple édifiant que Benassis donne de la création d’une activité de tanneries et de confection de chaussures rappelle l’un de nos choix inconséquents il y a quelques décennies : ne plus fabriquer de chaussures. Pensions-nous à l’époque que nos contemporains iraient désormais pieds nus… ? Finalement, qu’avons-nous gagné dans cette opération ? Notre industrie de la chaussure a disparu et son berceau, Romans sur Isère, a un taux de chômage record de 21,15% ! Et nos enfants ne marchent plus qu’avec des mochetés en plastique fabriquées en Asie et dont les prix, bien supérieurs à une chaussure classique en cuir de qualité, font le bonheur d’entreprises étrangères florissantes !

Question : dans nos projets économiques, dans l’entreprise, dans nos institutions…, ne sommes-nous pas atteints par le syndrome de la « grossitude » qui finalement nous éloigne de nous-mêmes ? En dédaignant les « petites » activités, on se prive de l’essentiel : la chance d’un  travail pour tous. Facteur principal de la socialisation, celui-ci permet à l’individu de croire en lui puis de nouer des liens utiles sur le plan économique. Or qu’avons-nous fait depuis tant d’années sinon tourner le dos à cette évidence et à son corolaire, le bonheur pour tous d’« entrer en société économique » et de participer à son essor ?

Conséquence : il faut très vite reprendre langue avec le local et la proximité des besoins économiques primaires. Ce qui exige de faire un peu moins de place aux économistes « macro » qui sont dans l’échec absolu et d’en faire davantage à des économistes de terrain qui comprennent ce que veut dire le concept de création de valeur économique. Car c’est sur ce créneau que l’activité nouvelle est la plus facile à créer et que la mobilisation des populations est la plus vive.   

Un enseignement sur le management. Benassis sait faire bouger les choses en alliant efficacité du chef et goût de l’humanité. Pour réveiller sa contrée, il y investit toute son énergie. Il n’est pas un économiste ni un politique mais il observe, écoute, cherche à comprendre les uns et les autres. C’est ce goût de la proximité qui produit chez lui de la créativité. Et, quand il est convaincu, il lance ses projets. Il jauge chacun des acteurs, il leur fait confiance, il les met à l’épreuve et les accompagne par sa présence constante. Il sait se retirer dès que le succès se fait visible mais sait se réjouir avec ceux qui l’ont produit.

Benassis croit en l’Homme, infiniment. Toujours, il agit avec cette bienveillance qui donne de la dimension à son ambition d’« élever ce pays comme un précepteur élève un enfant.» Il connaît les Hommes et n’en attend pas plus que ce qu’ils peuvent donner, chacun  sa mesure. Charitable ? Oui mais avec modération : en tant que médecin, il ne fait payer que ceux qui le peuvent, en économiste, il cherche avant tout à accompagner les volontés. Il sait donner, accorder du crédit, il sait aussi s’enrichir mais avec cette mesure qui intègre le partage nécessaire du succès avec ceux qui le construisent. En somme, Benassis est un bel exemple de manager équilibré qu’on aimerait voir fleurir davantage !  

Yves Maire du Poset

*Michel GODET car il faut rendre à César…

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27 avril 2014 7 27 /04 /avril /2014 07:47

Les Echos 24 avril 2014        Savoir se présenter, dire qui l´on est en quelques mots est souvent paralysant. Or curieusement, personne n´est préparé sur cet aspect du Marketing personnel... Pourtant, parler de soi, cela s´apprend ! A la clé, une confiance en soi retrouvée pour tisser de nouveaux liens !

 

Sur bien des sujets importants de la vie, nous ne bénéficions d’aucune instruction : se nourrir, nouer des relations, entretenir son corps, gérer son temps…. Des impasses sont ainsi faites qui nous mettent souvent en difficulté !

Savoir parler de soi fait partie de ces exercices considérés comme allant de soi. Et c´est sans préparation qu´à chaque rencontre, on tente de dire qui l´on est, ce que l´on sait faire, ce que l´on peut apporter et… pourquoi nous ne ressemblons à personne ! Or neuf fois sur dix, dans ce genre d’exercice, on se prend les pieds dans le tapis. Sans chute mortelle mais tout de même, on se dit après coup qu’on aurait pu mieux faire. Parfois même, sur le chemin du retour, le doute s’installe : « qu’est-ce que mon interlocuteur a compris de ce plat de nouilles que je lui ai servi… ? sait-il vraiment qui je suis… ? » Et chacun comprend vite que faire une première bonne impression ne se renouvellera pas deux fois… 

Des faits accablants. A l’heure du marketing de soi, du « personal branding », du « story telling », que sais-je encore…, pas une école, pas une université n’en fait un passage obligé dans son cursus : pense-t-on que les jeunes diplômés peuvent aborder le marché de l’emploi sans préparation, que les rencontres professionnelles avec les recruteurs comme avec le réseau se feront sans avoir à parler de soi… ?

Dans l’entreprise, ce thème n’est guère mieux traité. La preuve ? Il ne représente rien dans le budget de formation. On considère, là aussi, que cela va de soi : vis-à-vis des clients comme des fournisseurs, on ne bénéficie d’aucune préparation pour se présenter. Même pour les commerciaux : si pour muscler la relation avec les clients, on les forme aux techniques commerciales, ils ne sont jamais formés sur l’art de parler d’eux*. Or y a-t-il meilleur moyen de favoriser le lien de confiance avec le client qu’une bonne connaissance mutuelle allant au-delà du professionnel ?

Ceci est d’ailleurs vrai pour tous les acteurs de l’entreprise pour qui les occasions de parler de soi sont nombreuses. Elles participent en effet au confort des salariés qui ont besoin de reconnaissance et d’évolution, du manager qui a besoin de meilleurs liens avec ses équipes, du nouvel arrivé qui veut réussir sa prise de poste, du chef d’entreprise qui a besoin d’un « story telling » mobilisant…

C’est également vrai dans la vie quotidienne. Vous croyez que vos proches savent ce que vous faites sur le plan professionnel ? Demandez à l’un d’entre eux de vous dire en quelques mots ce qu’il dirait de vous pour vous présenter et vous serez édifié ; faites le test avec votre belle-mère ou votre beau-frère, vous verrez ! Je ne plaisante pas : en ne sachant pas dire qui nous sommes à nos proches, nous les privons peut-être du bonheur de participer à notre propre réussite et nous piétinons des opportunités dont nous aurions pu profiter.

La cruelle réalité. Mais le pire est qu’en sous-estimant l’importance de se préparer sur ce thème, nous nous privons d’un atout majeur au démarrage de tout entretien : parler de soi savamment développe en effet chez votre interlocuteur une attention redoublée. Ainsi pendant qu’il vous écoute, vous êtes en réalité vous-même en train de l’observer et de l’écouter. Vous le pouvez aisément car vous êtes comme libéré de ce risque de l’improvisation qui atténue toute capacité d’écoute. Réussir à bien parler de soi vous fait gagner ainsi du terrain sur votre interlocuteur. C’est ce qui fait la force d’un acteur maîtrisant parfaitement son texte, quand bien même un spectateur s’écroulerait dans la salle, il saurait mener son texte à bon port ! 

Parler de soi, cela s’apprend. Travailler sur ce sujet sert non seulement à construire un discours compréhensible et percutant mais aussi à donner à son interlocuteur les éléments qui lui permettront de se mobiliser sur votre histoire. Tout dire en quelques minutes ? Non mais dire ce qu’il faut pour donner envie, étonner quelque peu pour maintenir cette envie, intriguer parfois pour le mobiliser sur votre récit… A ce stade de l’échange, ce n’est pas de conviction dont votre interlocuteur a besoin mais de points d’accroche sur votre récit ! Vous êtes comme un pêcheur qui lancerait simultanément plusieurs hameçons dans l’espoir que l’un d’entre eux prendra…

Mais avant cela, il faut apprendre à décliner ces éléments susceptibles de capter l’attention de l’interlocuteur,  apprendre à les ordonner et ensuite apprendre à les formaliser. Ainsi vous livrerez de façon progressive ce que l’autre attend. Car ce discours doit faire quatre choses en même temps qui, hélas, ne vont pas ensemble : rassurer, séduire, faire comprendre et raconter. Un vrai travail de formalisation est donc nécessaire pour parvenir à ramasser tous ces éléments en quelques minutes, dans un esprit permanent d’équilibre. Presque de la littérature vous dis-je… ! Hélas, faute de préparation, le risque de perte d’attention de votre interlocuteur est grand (je n’ai pas dit d’endormissement…).

J’ajoute qu’un tel exercice doit, au démarrage de l’entretien, viser une certaine universalité : on ne connaît pas forcément la personne que l’on rencontre. Pour ne pas se tromper, il s’agit donc de composer son discours en s’adressant à tous les types de personnalité : les cerveaux gauche comme les droits, les corticaux comme les limbiques. Je vous devine en train de sourire… mais croyez-vous vraiment qu’un profil purement ingénieur vous entendra de la même façon qu’un profil purement créatif, un profil financier autant qu’un profil littéraire ! Pour bien communiquer, il faut commencer par n’exclure personne ! C’est seulement dans un deuxième temps que vous affinerez votre communication en fonction de la personnalité qui, dans l’échange, se fera jour.

Au fond, savoir parler de soi est simple : l’objectif est de livrer à votre interlocuteur, dès le démarrage de l’échange, des éléments à quoi il peut, a priori, s’intéresser. Quant aux moyens d’y parvenir, ils nécessitent un vrai travail de formalisation pour arriver à l’idéal d’une bonne communication de soi : mêler dans un même discours ce que vous pouvez apporter et ce que l’autre attend !

Yves Maire du Poset

 

* D’ailleurs, les commerciaux dans l’entreprise ne sont pas mieux formés sur l’art de présenter l’entreprise qui les emploie, chacun la décrivant à sa manière…

 

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5 avril 2014 6 05 /04 /avril /2014 08:02

Les-Echos-4-avril-2014.jpgVous êtes « invité » à sortir de votre entreprise. On vous propose un outplacement ? Prenez-le ! Mais avant, sachez quels sont les bons critères pour choisir votre consultant, quels  sont les principaux pièges et défis auxquels vous serez confronté !

Ce matin, Pierre est prié gentiment d´aller voir ailleurs ! Son entreprise vient de le lui faire savoir : son poste n’a plus l’intérêt qu’il avait par le passé. Sa personne n’est, bien entendu, pas en cause, on lui garde toute confiance mais sur le plan économique, les faits sont têtus : on a eu beau chercher une solution en interne, « on n’a pas trouvé pour lui de mobilité heureuse. » Bien évidemment, on ne va pas le laisser tomber : un cabinet d’outplacement va l’aider à passer dans les meilleures conditions cette transition et, quoi qu’il arrive, « nous serons toujours là, mon cher Pierre, pour vous aider…»

Pour tous ceux qui sont dans cette situation et quand bien même la pilule est enrobée de caramel, la secousse est violente. Et, selon qu’ils sont plutôt battants ou battus, au sommet ou fondus dans la masse, experts ou généralistes, paranos, raisonnables, fatalistes, que sais-je encore…, les questions fusent, sans beaucoup de réponses à ce moment-là.

Ajoutons que ce problème « pro » va vite devenir un problème éminemment « perso » : en quelques jours, vous allez en effet faire une auto-psychanalyse à vitesse grand V ! Passer en effet d’un statut confortable de salarié à celui de demandeur d’emploi pointant chez Pôle Emploi… au secours !

Le consultant, sa mission. Or c’est dans un tel tourment que va intervenir l’outplaceur qui vous suivra sur ce chemin vers une nouvelle activité. D’abord en vous faisant réfléchir sur vous ; puis en vous aidant à vous projeter dans l’avenir ; et, enfin, en vous préparant à convaincre le marché. Telles sont les grandes étapes classiques d’un outplacement.

Sur le papier, tout semble clair, structuré, presque facile. Pourtant les choses ne le sont pas autant qu’on pourrait s’y attendre. En voici les raisons : l’outplaceur n’est en aucun cas Dieu le père ou je ne sais quelle machine magique ayant réponse à tout pour vous guider dans votre recherche. Il est en effet lui-même confronté à quatre défis qu’il a pour mission de relever avec vous.  Et c’est sur sa capacité à les relever, et sur cette seule capacité, qu’il vous faut le juger.

Premier défi : vous aider à mettre de l’ordre dans votre offre afin d’en dégager une puissance majeure : au début, votre offre ressemble probablement à une chambre d’enfant mal rangée plutôt qu’à une pièce savamment ordonnée où chaque objet serait à sa place. Question : avez-vous une idée claire, précise et complète de ce qu’il y a dans votre offre et de ce qui peut intéresser le marché… ? Deuxième défi : vous aider à percevoir quelle image professionnelle vous avez vraiment : l’image que vous avez auprès de ceux que vous connaissez compte en effet beaucoup dans l’offre que vous allez construire. Question : à part cet entretien d’évaluation sec, chiffré et emprunté auquel vous avez droit une fois par an dans votre entreprise, de quand date le dernier feed-back d’un expert sur cette question sensible… ? Troisième défi : vous  aider à communiquer avec de la technique pour convaincre : vous vous sentez peut-être très fort dans la vie commerciale mais êtes-vous vraiment préparé à vous vendre ? Question : êtes-vous bien sûr que le discours que vous allez « servir » à vos futurs interlocuteurs servira au mieux votre cause… Savez-vous communiquer « à cerveau total » ? Quatrième défi : vous donner sur tous ces sujets essentiels le bon exemple en choisissant de vous dire la vérité : savoir parler de vous avec justesse et clarté, savoir écrire pour être reçu par ceux qui peuvent vous être utiles, savoir gérer toutes les embûches probables des entretiens sans se faire « bananer…», relancer au téléphone ceux qu’on connaît et ceux qu’on connaît moins… Bref, sur tous ces thèmes, c’est surtout d’entraînement dont vous aurez besoin ! Question : de quand date votre dernière confrontation au réel sur de tels sujets ?

De tels défis exigent en effet quatre qualités humaines essentielles : une attention faite de toute l’humilité nécessaire pour comprendre chaque situation, une expérience de la relation humaine réellement vécue et large, une vision du marché de l’emploi globale et pertinente et enfin une capacité à transmettre non seulement le concept utile mais la bonne pratique.

C’est de cette complétude et de cet équilibre de qualités dont l’outplacé a besoin et non de ces faux arguments vendus pourtant avec éclat : l’accueil du cabinet (aux petits oignons…), l’épaisseur de la moquette…  Pire, la taille du cabinet qui, bien vantée, rassure le besoin grégaire de l’outplacé en lui offrant l’illusion d’un retour immédiat dans le cocon d’une entreprise (« Dans notre cabinet, vous allez croiser beaucoup de gens dans votre situation… »), le relationnel du cabinet aussi long que le nez de Pinocchio, etc.

Oubliez tout ceci qui n’est pas l’essentiel et choisissez plutôt la voie de la raison : la recherche du bon duo que vous formerez avec le consultant choisi, non en fonction de vos petites faiblesses du moment et de votre besoin compréhensible d’être remis en confiance mais en fonction de ces vrais défis qui ne manqueront pas de se présenter et, qu’avec lui, vous relèverez afin de réussir cette transition.

Yves Maire du Poset

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21 janvier 2014 2 21 /01 /janvier /2014 16:07

Les-Echos-21-janv-2014.jpgPierre ROSANVALLON, professeur au Collège de France, veut redonner de la visibilité aux « oubliés » de la société. Une ambition dont l´entreprise aurait tout intérêt à s´inspirer pour sortir de ses excès passés et redonner de la vigueur et de la performance à la communauté qu´elle représente !

 

L’ambition de Pierre ROSANVALLON est à la fois grande et simple : redonner de la visibilité aux invisibles de la société, c’est-à-dire à tous ceux dont les vies et trajectoires, depuis 30 ans, ont disparu des écrans : chômeurs, ouvriers, cadres en fin de carrière, précaires de toutes sortes, gens aux fonctions de sous-traitance devenues obscures… Son idée : les engager à raconter leur vie afin de faire remonter à la surface un peu de leur puissance et de leur fierté. Par la narration, il s’agit de faire sortir ces vies personnelles et professionnelles de l’ombre dans laquelle elles sont plongées. C’est, selon lui, le meilleur moyen de réactiver le lien social que notre société moderne s’échine à détruire !  

 

L’entreprise ne devrait-elle pas, elle aussi, s’inspirer d’une telle ambition afin de recréer en son sein ces liens perdus durant ces 30 dernières années et qui ont indiscutablement entamé sa performance ? Car l’entreprise est confrontée à un contexte terriblement exigeant et à des changements perpétuels dont les effets ne sont pas tous suivis de bénéfices sur le plan humain : le formidable développement des outils techniques, la croyance au génie des organisations matricielles faisant parfois fi de tout bon sens, le primat des réductions de coûts bien souvent au détriment de toute innovation*, l’incessante fracturation des groupes se cédant, se reprenant, se « spin offant »…, l’éventail des rémunérations s’ouvrant à l’extrême dès la fin des années 80 et son effet clivant malheureux, etc.  

 

Autant d’excès qui n’ont pas toujours été synonymes pour l’entreprise de qualité. En délaissant ce versant humain au profit de celui de la technicité, de l’ordre gestionnaire et du profit avant tout, l’entreprise a fabriqué ce cloisonnement propice à l’ignorance des uns par rapport aux autres. Elle a du coup asséché un relationnel dont elle a pourtant le plus grand besoin. N’est-il pas en effet l’un des ingrédients majeurs de la réussite économique et surtout le plus sûr moyen de  lutter contre ces mornes tendances des 30 dernières années ? Oui, ce qui manque aujourd’hui à l’entreprise, c’est ce temps, ces liens et cette humanité sur lesquels elle n’a pas suffisamment puisé. Avec les résultats que l’on sait, dont la défiance qu’elle suscite n’est pas la moindre. C’est pourquoi remettre un peu de ces bons ingrédients dans l’entreprise, comme Pierre ROSANVALLON souhaite le faire dans la société, n’est pas seulement nécessaire pour recréer un esprit de communauté en son sein mais vital comme un pas vers l’équilibre !

 

Dans mon métier qui consiste à accompagner des cadres et dirigeants dans leur repositionnement professionnel, l’un des aspects qui frappe en effet le plus est leur grande difficulté à parler d’eux mais aussi à sortir de leur isolement. Et, en écrivant il y a 7 ans « L’art de parler de soi », j’avais déjà la même conviction : il fallait permettre à ces personnes de sortir de cet état de déprime latent et les aider à retrouver ces « fils fragiles » de leur histoire dont parle Pierre ROSANVALLON puis les aider à reconstruire ce récit nécessaire pour promouvoir leur offre professionnelle. Et leur donner ainsi les moyens de re-fabriquer aisément du lien pour rebondir dans ou hors de l’entreprise. L’équilibre entre la technique et l’humain s’étant défait, il me paraissait urgent de le rétablir.   

 

Pour l’entreprise comme pour la société, redonner la parole et reconstruire le lien est un enjeu de taille : en aidant les personnes à retrouver ce qui fait la force de leur histoire, en favorisant de la sorte la connaissance mutuelle de chacun, des métiers, des fonctions, des hiérarchies…, en participant au décloisonnement déprimant de ses organisations et de ses acteurs redevenus enfin visibles et reconnus, l’entreprise fait un pari de croissance vertueux : celui d’une performance accrue et partagée par sa communauté tout entière.

Yves Maire du Poset 

* n’y-a-t-il pas là une part des raisons de notre difficulté à récréer des emplois ?

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 19:09
Article Le Figaro 13 nov 2013INTERVIEW - Spécialiste des ressources humaines, Yves Maire du Poset regrette que la gentillesse soit souvent associée au fayotage. Il appelle à redonner «de l'humanité» aux relations entre collègues.
LE FIGARO - Célébrer une «journée de la gentillesse» souligne peut-être que nous en manquons. Serait-il si difficile d'être gentil en entreprise?

Il pèse souvent un soupçon sur la gentillesse, celui du fayotage. Cela concerne surtout la gentillesse envers ses supérieurs hiérarchiques. Il y a pourtant une différence essentielle entre les deux: être gentil, c'est être soucieux des attentes de l'autre, sans attendre de retour immédiat et évident. Alors que quand on fayote, ce n'est pas pour le bien de l'autre, c'est pour son bien propre. Je suis convaincu que le fayotage ne peut pas tenir très longtemps sans être démasqué.

Être gentil, ce n'est pourtant pas très difficile. La gentillesse est un ensemble de petits riens, en apparence insignifiants mais qui changent tout. C'est anticiper les besoins de l'autre, être prévenant, dans l'empathie. Dans ce monde où tout est payant, offrez quelque chose qui n'attend rien en retour. Concrètement, cela veut dire être courtois, aimable, sincère. Si vous invitez un de vos collègues ou votre assistant au restaurant, c'est bien. Mais une fois à table, n'oubliez pas de vous intéresser vraiment à lui, à ce qui le touche personnellement.

Qu'ont à gagner les entreprises à avoir des employés gentils? 

Les rapports en entreprise sont difficiles, souvent déshumanisés. Je circule en entreprise depuis une quarantaine d'années et je suis frappé par le manque croissant de joie de vivre dans les open-spaces d'aujourd'hui. La chaleur et l'honnêteté des rapports humains sont trop souvent passées au second plan, comme quelque chose de facultatif, de superficiel. C'est une erreur.

La gentillesse profite au business parce qu'elle est synonyme de communication, d'enthousiasme et d'honnêteté. Si quelque chose ne va pas dans un dossier, le dire gentiment permet de résoudre rapidement et efficacement le problème.

La gentillesse n'est-elle jamais une faiblesse?

Il faut rester aimable sans se faire écraser. Être gentil n'empêche pas de se fâcher, de s'imposer. On se croit souvent plus gentil qu'on ne le laisse paraître. À Sciences-Po, quand mes étudiants regardent les captations vidéos de leurs présentations, ils sont souvent surpris d'apparaître plus austères qu'ils ne le sont en réalité. Un petit sourire crispé ne suffit pas, il faut sur-jouer un peu la gentillesse pour qu'elle transparaisse.

Un conseil toutefois: il est inutile, voire risqué, de faire valoir sa gentillesse pendant un entretien d'embauche. Votre comportement parle de lui-même, pas besoin de le présenter comme un «point fort» sur votre CV. Mais vouloir jouer la carte inverse, celle de la méchanceté,en se faisant passer pour le requin prêt à tout pour la réussite de sa future entreprise, c'est faire fausse route. L'employeur risque d'avoir peur que cette énergie déshumanisée se retourne un jour contre lui.

Charles-Henry Groult 

 

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29 août 2013 4 29 /08 /août /2013 15:00

JDN 28 aout 2013 Nouveaux habits, nouveau cartable, fournitures complètes, crayons taillés. A la rentrée des classes, rien ne saurait manquer à nos enfants ! Et nous, sommes-nous prêts ? Avons-nous bien compris que notre « rentrée des classes » est un moment à ne pas rater ?

 

Comme pour beaucoup de moments importants de la vie, et la rentrée en est un, on agit sans réfléchir, on se dit qu’on sait faire, que ce n’est pas la première fois et que, finalement, il s’agit d’un non-événement.

 

Mais c’est oublier que le temps de vacances, baigné de soleil et de nombreuses joies, nous a mis, peu ou prou, dans un état second, quelque peu comateux… Cet éloignement nous a souvent fait oublier nos réalités professionnelles qui ne manqueront pas de nous revenir comme un boomerang. Et puis même si l’entreprise n’a pas changé durant l’été, ni l’organisation dans laquelle on est ni ses acteurs, la rentrée est toujours l’occasion de nouvelles aventures, de nouveaux enjeux et surtout le moment des bonnes résolutions ! Attention, parfois même, à la rentrée, les cartes sont rebattues !

Or c’est là où un peu de préparation est nécessaire, quelle que soit notre position. Et puis si nous ne nous préparons pas dès notre retour, quand le ferons-nous…?

 

Voici donc 3 bonnes résolutions à mettre en œuvre impérativement

 

1) Faire le point

En prenant le temps de la réflexion : une heure ou deux d’isolement, avec un papier et un crayon (taillé !), pour se concentrer sur le rappel des éléments importants de notre situation professionnelle. Exemples de questions à se poser : quels sont les enjeux majeurs de l’entreprise, du département dans lequel je suis, quels sont mes objectifs, quels sont les obstacles principaux à leur réalisation, quels sont mes atouts pour les surmonter et quels sont mes faiblesses ? Et puis quels sont les acteurs en jeu, ceux qui sont mes alliés et les autres ? Enfin, quelles idées nouvelles puis-je avoir pour faire avancer les choses ?

Bref une série de questions agissant comme un mini bilan d’étape dont la formalisation va nous éclairer et nous aider à nous ressourcer, à reprendre en main la situation.

Un mini bilan qui va aussi nous aider à mieux percevoir les priorités !

 

2) Retisser nos liens

La rentrée ce sont les retrouvailles, heureuses et nécessaires mais dont il n’est pas inutile de profiter pour valoriser la position dont nous bénéficions ! Et là, je vous conseille, dès votre retour, de prendre l’initiative de ces rencontres avec les acteurs clés : le prétexte des vacances est idéal. Cependant, adoptez avec eux une attitude d’écoute : certes, vous êtes plein des joies et des découvertes de vos vacances et vous n’avez en effet qu’une idée, les raconter… Mais êtes-vous bien sûr qu’il faille commencer par parler de vous ? Croyez-moi, ne frustrez pas vos interlocuteurs du plaisir de vous raconter l’histoire de leur été ! Demandez-leur des précisions, interrogez-les sur le temps qu’ils ont eu, sur les rencontres qu’ils ont faites, les aventures qu’ils ont vécues ! Mettez-vous dans leur histoire comme une mère aimante goûte les exploits de son enfant… Cependant, si l’on vous en prie, soyez prêts à raconter vos vacances mais de manière succincte et très concrète : aussi, préparez avec soin votre récit ! Vous le verrez vite, votre empathie va les réjouir !

 

Comprenez surtout que c’est le moment idéal, dans un second temps, pour faire avec eux un tour d’horizon professionnel. Faites-les parler de leurs idées, de leurs projets, sachez capter ces informations qui enrichiront votre vision de l’avenir et vos perspectives personnelles.

 

3) Être force de propositions

Enfin, troisième étape, je vous suggère de vous projeter dans l’avenir avec quelques questions : comment puis-je faire pour mieux contribuer à l’atteinte de mes objectifs, comment faire pour que mon offre professionnelle aide davantage mon entreprise ? Demandez-vous sincèrement ce que vous pouvez faire de plus pour elle !

Vous pouvez ensuite, lors d’un rendez-vous avec votre hiérarchie, pris à votre initiative, faire confirmer vos objectifs personnels pour les mois à venir ou faire préciser tel ou tel point; mieux encore, grâce aux échanges que vous avez créés, grâce aux idées que vous aurez produites, vous êtes dans les meilleures conditions pour être cette force de proposition si une innovation cohérente avec votre fonction vous paraît opportune. Croyez-vous en effet qu’à cet instant précis, votre hiérarchie, qui n’a pas fait le même exercice, possède autant que vous cette richesse d’informations et cette capacité d’innover ?

 

En procédant ainsi, vous donnez une image très positive, celle de quelqu’un parfaitement dans le pli des objectifs de l’entreprise et prêt à s’investir davantage. A l’occasion de cette remise en selle, vous enrichissez votre offre professionnelle d’un attrait supplémentaire et d’un vrai capital de sympathie !

Yves Maire du Poset

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19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 16:41

JDN 19 aout 2013Lire ou relire pendant ses vacances de grandes œuvres classiques comme Le Père Goriot, c’est atteindre deux bonheurs : un immense plaisir de lecture et celui d’en ressortir plus fort pour affronter la rentrée !

 

Chaque fois que je lis ce roman, je n’ai qu’une envie : celle de le partager avec ceux que j’aime. Je me dis que ses secrets sont décidément inépuisables, ses beautés si nombreuses, ses enseignements si convaincants, ses exemples si vertueux, y compris pour nous autres à l’aube de ce XXIème siècle…

Il y a en effet tant à apprendre de cette histoire et de tous ses personnages dont les trajectoires se croisent chez Madame VAUQUER. Souvenez-vous : une pension de troisième catégorie recueille des êtres, tous différents, tous désargentés. Parmi eux, le Père Goriot, vieil homme dont la feue grande fortune s’amenuise au fur et à mesure que ses filles le sollicitent ; il y a Rastignac, jeune aristocrate de province sans le sou qui comprend vite la dureté de la vie dans la capitale ; il y a Bianchon, futur médecin droit, simple et solide ; il y a Vautrin, fameux brigand machiavélique, il y a… tant d’exemples bons et mauvais dont la première des vertus est de nous faire réfléchir sur nous-mêmes.

 

Confrontés à ces thèmes incontournables que sont l’amour, l’argent, le pouvoir, il leur arrive ce qui arrive à tout le monde : la tentation du vice. Certains y tombent, d’autres y résistent, parfois.

 

Voyons d'abord le Père Goriot : comment ne pas voir en lui l’illustration de l’exemple à ne pas suivre ? Cet homme qui fut, à force de travail, un grand professionnel reconnu, riche et, d’une certaine manière, admirable, devient dans sa vieillesse, pauvre et moins que rien aux yeux de presque tous. La raison ? Il n’a pas su élever ses filles dans le droit chemin. Il n’a pas su reproduire en elles, ce qui l’a conduit, lui-même, au succès. Il les a trop aimées, c’est-à-dire mal aimées ! « Il aimait jusqu’au mal qu’elles lui faisaient. » dit Balzac. En leur assurant de beaux mariages et en leur donnant de solides dots, en les protégeant par trop, il en a fait d’horribles enfants gâtées, avides et impuissantes, sauf pour ce qui est de mettre leur père sur la paille.

La rencontre d’un tel personnage nous enseigne ceci : à l’instar de « qui trop embrasse, mal étreint », il n’est pas mauvais d’avoir pour guide : « qui trop aime, mal aime » ! Vouloir aider nos enfants, toujours, quelles que soient les circonstances, leur éviter toute contrainte, les protéger de toute dureté de la vie…, voilà de quoi faire d’eux, à terme, nos futurs ennemis ! Un enseignement sans doute profitable dans ce nouveau siècle où règne l’enfant roi et où les repères changent, s’inversent et, parfois, disparaissent…

  

Voyons maintenant Rastignac : jeune, ébloui par ce Paris aux mille éclats, on le suit dans ses rencontres, dans ses échecs, dans ses succès. Il veut réussir et, comme tout impatient à cet âge, il choisit de brûler les étapes : faire son droit ? Non, plutôt trouver une âme sœur ou une maîtresse brillante qui lui raccourcira la route vers le succès ! On le suit dans ses tentations, ses faiblesses. Par exemple, face à la combine scélérate que lui propose Vautrin qui eut fait de lui en un temps record un homme riche (avec toutefois un meurtre sur la conscience). Il hésite, avec quelque difficulté, certes. Mais avec le bon conseil de son magnifique ami, Bianchon le sage, il se range à la raison. Voulant le ramener à de plus simples ambitions, Bianchon lui dit : « Notre bonheur, mon cher, tiendra toujours entre la plante de nos pieds et notre occiput. » Rastignac entend le message : il résistera et décidera de ne pas entrer sur ce mauvais chemin.

Rastignac, dans ce roman, est en fait plus vertueux que la tournure que son nom a prise indûment de nos jours. D’ailleurs, n’est-il pas le seul à accompagner ce Père Goriot, qu’il a sincèrement aimé, à sa dernière demeure ?

Voici donc deux personnages dont le thème de l’aveuglement les réunit, en somme, pour un temps : Goriot dont l’amour de ses filles le fait entrer dans la nuit avant d’en mourir et Rastignac qui, au contact de Goriot notamment, va progressivement sortir de sa naïveté de jeune homme.

 

Tant de beautés et d’enseignements dans un roman. Et puis dans cette œuvre, il y a une multitude d’autres choses si savoureuses et si riches d’enseignements profitables : la manière dont Rastignac va « réseauter » comme l’on dit aujourd’hui pour sortir de son isolement, les leçons de vie de Madame de Beauséant dont va s’inspirer Rastignac, la vision de la société que professe Vautrin, cruelle certes mais dont les mécanismes mis à nu crèvent de vérité, l’échange épistolaire entre Rastignac et sa mère dont l’humanité nous fait pleurer… Chaque situation, chaque personnage apporte son œuvre d’intelligence et nous saisit comme un miroir dressé devant nous, images d’un autre temps et pourtant si proches.

 

Nul doute qu’en sortant d’un tel livre, votre rentrée, côté professionnel comme personnel, en sera enrichie, éclairée ! En tout état de cause, il vous comblera de bonheur !

Yves Maire du Poset

 

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