13 novembre 2003
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Le Premier Ministre a fait récemment appel à son équipe pour trouver des idées pour relancer la croissance. Pourtant, depuis 6 mois, beaucoup d’idées macroéconomiques ont été apportées et débattues dans les médias par les politiques et les économistes, les uns pensant qu’il faut agir sur la demande, les autres sur l’offre…. Idées cruciales mais qui, hélas, font toujours l’impasse sur les obstacles rencontrés sur le terrain ; obstacles qui, faute d’être levés, empêchent le bon fonctionnement de ces mécanismes macroéconomiques.
Voici un exemple concret d’un obstacle qui empêche la croissance d’un formidable marché. Ce marché est celui des milliers de petits producteurs et artisans de la gastronomie des terroirs et autres produits régionaux qui, tous les ans, sourient à l’arrivée des millions de touristes et pleurent à leur départ, de ne pouvoir prolonger cette relation commerciale.
La France possède en effet deux formidables atouts : avec plus de 75 millions de touristes par an, elle est la première destination touristique du monde et les produits de ses terroirs sont très attrayants. Or malgré ceci, la relation commerciale qui s’instaure passe rarement le cap d’une rencontre de vacances.
La raison tient en un mot : des tarifs postaux totalement inadaptés, qui empêchent tout prolongement de cette relation commerciale à distance. Résultat : un fantastique manque à gagner en termes de création de valeur économique.
Illustration : un touriste parisien, séduit par la douceur des confitures de fraises des côtes de Bourgogne veut en recommander, une fois revenu chez lui (le raisonnement est évidemment le même pour une terrine au Cognac ou un parfum du midi…). Au pot de confiture acheté 5 € et pesant 600 grammes, il lui faut rajouter les frais de port, soit 4,80 € (tarif le moins cher en coliéco). Or avec un coût total de 9,80 €, nul doute que ce consommateur préférera renoncer et attendre un prochain retour en Bourgogne pour goûter de nouveau à ce plaisir !
L’objectif serait donc d’obtenir pour ces petits producteurs des terroirs français les mêmes avantages que ceux consentis par La Poste aux grands opérateurs de la VPC dont les tarifs d’expédition de colis, très inférieurs, favorisent la deuxième commande et l’instauration d’une relation commerciale durable.
La Poste n’accorde en effet rien d’autre aux petites entreprises que les tarifs consentis aux particuliers dont la moyenne d’envois de colis est de 3 à 4 par an ! Je précise que les entreprises qui envoient 3000 colis par an n’ont pas de meilleurs tarifs que les particuliers.
Est-il raisonnable de maintenir un tel blocage de croissance ? La Poste, dont la vocation est publique, est-elle bien fondée à peser si négativement sur le développement économique par une telle pratique inégalitaire de tarifs ? N’est-il pas temps pour elle de mieux intégrer les réalités du marché avant que des concurrents ne le fassent demain ? Faudra-t-il attendre leur arrivée prochaine pour que, comme par le passé avec France Télécom, une prise en compte réelle des attentes des clients et une baisse des tarifs se fassent ? Quel est l’intérêt pour La Poste d’attendre sinon de se priver d’un marché à fort potentiel qui, une fois lancé, viendra vite compenser les efforts tarifaires consentis ?
Comment veut-on qu’en assimilant particuliers et entreprises de petites tailles, naissent de nouvelles entreprises de VPC ? (je rappelle que nous sommes en France, dans ce domaine de la vente à distance, bien loin derrière l’Allemagne, la Grande Bretagne ou les USA).
A-t-on bien mesuré ce qu’un tel frein à la croissance peut provoquer comme mauvaises conséquences sur l’emploi dans les territoires ? N’est-il pas temps d’intégrer le manque à gagner de ce secteur économique comme un axe de croissance, comme un nouveau cycle vertueux qui libérera de la valeur économique, de la consommation nouvelle puis des emplois ?
Ajoutons que le contexte d’une telle impulsion est incroyablement favorable : les terroirs sont à la mode, l’outil de production existe, Internet facilite les échanges, les clients sont là… reste un obstacle à lever pour que la machine démarre !
Il est temps de se mettre à considérer que la croissance est autant une affaire d’idées nouvelles que de bonnes vieilles réalités à faire évoluer. Il est temps de faire émerger ces réalités simples que rencontrent tous les acteurs économiques sur le terrain, les bonnes comme les mauvaises pratiques. Mais pour atteindre cet objectif, encore faut-il savoir s’écarter des chemins traditionnels d’analyse en adoptant une démarche plus empathique. La France « d’en haut », celle qui parle, écrit et décide, doit faire l’effort d’ouvrir davantage les yeux et les oreilles sur celle « d’en bas » qui s’exprime si peu mais qui fourmille d’idées. L’heure n’est-elle pas venue de créer ce relais dont nous manquons cruellement : un Observatoire des Pratiques Economiques, comme nouvelle source d’inspiration du changement ?