Que va-t-il faire ? Quel est pour lui le champ des possibles ? Est-il dans une situation de force ou de faiblesse ? Va-t-il se contenter de prolonger ce bricolage politicien suiviste, sans idées et qui ne résout jamais rien ou bien va-t-il tordre le cours des choses en ouvrant une autres voie, celle de la justice* ? Quitte à surprendre ou à déranger… ? S’il me demandait mon avis, voici ce que je lui dirais.
Les 4 constats sur lesquels votre réflexion doit porter avant d’écrire votre discours de politique générale :
Premier constat : le monde économique néo-libéral va trop loin. Son manque d’anticipation, ses excès et ses échecs sont patents :
- des inégalités et des vulnérabilités ascendantes, avec un lourd ressentiment pour ceux restés à l’écart du développement économique,
- un environnement technique qui dégrade partout les relations humaines et relègue l’humain au second plan,
- une responsabilité immense des autorités dans la dégradation écologique et le désordre migratoire,
- une vie démocratique qui se réduit : moins de participation et d’engagement des Français et un sentiment de perte de souveraineté qu’induisent l’UE et les autres institutions supranationales.
Deuxième constat : la machine politique institutionnelle est à bout de souffle. Sans idées et sans plus de liens avec les Français, elle produit chez eux un sentiment d’éloignement, de rejet, voire de dégoût.
Troisième constat : le climat politique démocratique est tendu comme jamais : les 3 blocs sont figés sur leur position, avec des relations entre eux a minima (y compris au sein de chacun de ces blocs).
Quatrième constat : les circonstances sont plus favorables que jamais pour oser une politique audacieuse qui doit surprendre le monde politique et le désarçonner. Et pour l’engager, vous avez du temps devant vous pour les raisons suivantes :
- le Président ne pourra pas vous empêcher de tenter une telle audace politique : vous avez 11 mois devant vous a minima (car pour le Président, il n’y a pas de plan B : un autre 1er ministre dans un mois n’est guère possible)
- aucun groupe n’osera vous empêcher de proposer une avancée politique qui, en partie, irait clairement dans son sens,
- il y a deux attentes majeures des Français sur lesquelles une grande partie d’entre eux peuvent se réunir : l’une de justice sociale, légitime ; et l’autre d’une politique de l’immigration à reconstruire, elle aussi légitime.
Aussi, de votre discours de politique générale, 4 idées concrètes doivent pouvoir être retenues par les Français, parce qu’elles correspondent franchement à leurs attentes :
- une revalorisation du pouvoir d’achat des bas salaires (le trop d’inflation sur l’alimentaire en particulier des dernières années, doit être compensé) ; revalorisation qui doit être financée en partie par un impôt exceptionnel sur les patrimoines les plus hauts, suivi de la restauration de l’ISF sur les valeurs mobilières,
- un réaménagement de la réforme de la retraite pour les emplois pénibles et les bas salaires en particulier, avec le choix clair d’avantager ceux dont les métiers sont physiques et d’allonger le temps de travail de ceux dont les métiers ne le sont pas (oui, pourquoi pas pour ceux qui le veulent jusqu’à 73 ans ou plus… ?),
- un arrêt de l’immigration tous azimuts ; mais compensé par la régularisation de ceux qui sont là depuis longtemps, qui ont leur vie en France, un travail… Un arrêt qui sera suivi par une politique d’intégration plus exigeante et plus humaine (apprentissage de la langue par exemple, sans concentration vicieuse de l’habitat…),
- une vraie politique pour réengager le peuple dans la machine démocratique : dans la famille, dans l’école, dans la cité, dans le travail et dans l’écologie (en s’inspirant par exemple de l’idée des conventions citoyennes mais systématisées à l’échelon local).
En procédant ainsi, vous coupez l’herbe sous le pied des politiques et vous les obligez au dialogue.
Votre nomination doit marquer une rupture (c’est votre mot) : elle doit répondre aux attentes principales des Français ! Vous n’avez donc pas d’autre choix que celui de l’inscrire dans le droit fil de la ligne gaulliste qui savait concilier libéralisme et politique publique, l’économique et l’humain. Mais vous savez de quoi je parle… !
C’est pourquoi, pour réussir, compte tenu des circonstances du moment, vous devez viser, dans votre discours de politique générale, l’assentiment des Français à ces 4 premières idées. Non pour devenir ce populiste dont l’intention est toujours d’écarter les partis et autres institutions publiques mais pour, momentanément, prendre de la distance avec les extravagances d’un système politique qui ne fonctionne plus.
Revitaliser le gouvernement de la puissance publique en le remettant au premier plan, et obtenir un engagement fort des Français, voici de quoi réinscrire le gaullisme dans la République.
*« Une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale »
Déclaration solennelle de Philadelphie (1944)
Yves Maire du Poset