16 août 2016 2 16 /08 /août /2016 15:43

Il y a dans la rédaction un côté formel et sérieux que l'oralité ne permet pas. Dans l'entreprise comme ailleurs, il est grand temps de réhabiliter l'écrit.

Imaginez : un dîner entre amis où chacun évoque le destin de ses chers petits devenus parfois bien grands … Soudain une mère s’échappe et revient avec la thèse de son fils, jeune doctorant. Avec la fierté d’un Artaban plein d’humour, elle ouvre le document sur la dédicace écrite par ce jeune auteur dans lequel un éloge est fait de tous ceux qui l’ont aidé à atteindre ce sommet. Celui des parents et de la famille n’est pas mince. Chacun y est mentionné pour son apport particulier et l’on voit avec éclat que tous ces liens du quotidien, longuement façonnés par l’affection, représentent pour ce jeune doctorant l’un des ingrédients majeurs de sa réussite.

Un enseignement précieux. Nul doute que ces hommages ont dû être faits oralement. Pourtant, ces quelques lignes écrites changent tout ! Pour ceux qui ont l’honneur d’y figurer, elles témoignent de l’importance de leur contribution. Ils peuvent lire et relire la gratitude qui leur est accordée et entrent ainsi avec joie dans l’histoire de cette réussite : sans eux, les choses n’auraient pas été exactement les mêmes ! Pour l’impétrant, non seulement il marque officiellement sa reconnaissance mais en incluant son entourage personnel, il inscrit également dans le marbre ce que celui-ci lui a apporté pour construire son œuvre. Formaliser cette dédicace lui a demandé, certes, du travail mais par ce temps et cet effort qu’il a fournis, on peut dire qu’il s’acquitte pour une part de cette dette. Donner, recevoir, rendre…, nul doute que tout cela lui sera une nouvelle fois rendu au centuple !

N’y a-t-il pas là un modèle à suivre dans l’entreprise ? Faisons-nous suffisamment cet effort de formalisation dans tout ce que nous faisons ? Surtout dans l’environnement d’aujourd’hui où la communication et la vitesse nous noient littéralement d’informations ; et dont le moins que l’on puisse dire est que leur masse même fait perdre le sens du fond au profit de la forme. Ce qui fait que, souvent, une journée passe et malgré une frénésie d’activités et de « réunionites » de tous les instants, nous avons parfois le sentiment qu’il n’en reste pas grand-chose sinon que les paroles se sont envolées…

Or ce fond ne s’obtient qu’avec le concours de l’écriture. Elle possède en effet plusieurs avantages : celui de se préparer et de réfléchir, c’est-à-dire de prendre un peu de distance avec l’instant ; celui de s’obliger à se poser (j’allais écrire « pauser »…) ; celui de se concentrer sur l’objectif ; celui d’aller vers plus de justesse dans le choix des mots pour dire les faits, les problèmes et les solutions… Bref, il y a dans cette formalisation écrite un véritable travail, un côté sérieux que l’oralité, le blablabla et l’immédiateté actuellement privilégiés, ne permettent plus.

Dans mon métier de consultant, je suis toujours frappé de voir à quel point certains moments importants sur le plan professionnel n’ont pas toujours fait l’objet de ce minimum de préparation écrite. Il en est ainsi, souvent, des entretiens que l’on mène pour faire évoluer sa carrière ou celle des autres ; mais aussi des réunions que l’on doit animer avec sa hiérarchie, ses collaborateurs, ses pairs… ; des visites que l’on rend à de futurs clients ou des présentations de l’entreprise que l’on doit faire à des prospects... Ce que je vois surtout dans de telles occasions, c’est que l’improvisation règne, exactement comme si la confiance en soi était telle que le risque de « se planter » était jugé nul.

Pour s’en convaincre, il suffit de voir à quoi ressemblent tous ces mails torchés et envoyés sans relecture, ces SMS sans plus d’orthographe que celle d’un enfant pré- CP, contenant des abréviations comme « bjr » pour dire bonjour (on se demande d’ailleurs si l’émetteur se rend vraiment compte de l’effet que cette « abréviation » produira sur le récepteur ainsi réduit au strict minimum… ?). Et que penser encore de ces communicants « scotchés » sur leur Power Point ? Comme des aveugles avec leur canne, ils cherchent dans ce brouillon projeté aux yeux de tous, un appui pour compenser ce manque de préparation formalisée qui les auraient pourtant affranchis ?

Que faire concrètement ? Dans l’entreprise comme ailleurs…, il est plus qu’urgent de réhabiliter l’écrit ! Exemples concrets parmi des centaines : « Vous voulez me voir pour parler de votre évolution ? OK mais avant d’en parler, envoyez-moi un papier de 12 lignes maximum pour me convaincre… » ; « Vous avez une idée, un projet dont vous voulez me parler ? OK mais d’abord envoyez-moi un papier de 8 lignes maximum pour préparer notre rendez-vous… » ; « Vous voulez me voir parce que vous n’êtes pas d’accord sur un point particulier…? OK mais avant, écrivez-moi en 10 lignes ce que vous voulez me dire et ce que vous proposez… » ; « Vous voulez dire quelque chose à la réunion prochaine ? OK alors préparez-vous par écrit, vous aurez 5 minutes maximum pour nous en faire part… » ; « Vous voulez vous-même faire l’ouverture du prochain entretien avec le prospect Y ? Parfait, alors écrivez un papier sur votre intervention et sur la présentation que vous allez faire de notre entreprise et faites-le-moi parvenir la veille… ». Etc. Faites donc travailler vos collaborateurs sur ce qu’ils doivent dire, non pour les enquiquiner mais pour les élever et les rendre plus forts !

Un pari sans doute difficile à relever mais en réhabilitant ainsi l’écrit, c’est bien sûr au fond que je pense au détriment de la forme. Formalisez, formalisez, c’est le fond qui manque le plus ! D’ailleurs, ne vous reste-t-il pas quelques jours de vacances pour, vous-même, vous fendre de quelques lignes bien composées sur vous, votre parcours jusqu’à maintenant, sur l’étape prochaine de votre carrière, sur vos idées ou encore sur votre prochaine intervention en public… ? N’oubliez pas ce que disait le grand Albert Sorel : « Il n’est pas de bataille perdue qui ne se regagne sur le papier ».

Yves Maire du Poset ( 16 août 2016)

Lire l'article sur le site Les Echos.fr

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