On enseigne que la réclamation d’un client est une occasion formidable de le fidéliser mais dans la réalité, n’est-ce pas de plus en plus l’occasion de le ficeler ?
L’histoire est simple : en juin 2013, un client achète un taille-haie dans grand magasin de bricolage au prix de 299,99 €. « Un bon appareil, plus cher que les autres mais vous verrez, c’est du BOSCH, c’est du solide… ! » affirme le vendeur. En juillet 2015 l’engin ne fonctionne plus, bien qu’il n’ait été utilisé que 2 fois. Le coût de la réparation de 143,73 € est exorbitant, surtout 20 jours après la fin de la garantie…
Le client écrit directement au président de la chaîne. Une personne du service commercial l’appelle et se contente de lui réciter sa lettre jusqu’à épuisement : « Donc, vous avez acheté un taille-haie… » sans apporter de solution, bien entendu. De guerre lasse, il écrit au directeur du magasin local qui, lui, offre un rabais de 50 € consenti sur la réparation ou sur l’achat d’un nouvel appareil.
Le client fait ses comptes : s’il opte pour la réparation, cela lui aura coûté in fine 393,72 €. Mais avec quelle garantie, nul ne le sait. S’il en rachète un autre, l’opération représentera au total 550 €. Devant de tels coûts pour prendre part à ses difficultés, il est forcément déçu.
Du coup, il se met à relire le courrier de réponse du magasin. Et là, un sentiment d’agacement puis de fureur s’installe, un peu comme quand on réalise, a postériori, qu’on s’est fait avoir par un discours dont la brillance cachait si bien le côté pervers.
Alors, après réflexion approfondie et la ferme intention de ne plus remettre les pieds dans ce magasin auquel il avait pourtant été fidèle pendant longtemps, le client est allé par dépit acheter un autre taille-haie chez un concurrent, cette fois-ci avec 3 ans de garantie.
Examen de la réponse commerciale inappropriée devant sa réclamation. D’abord, c’est un copié/collé d’une lettre type (bourrée de fautes d’orthographe) et structurée de la manière suivante : rappel des faits, expression de leur désolation vis-à-vis du client, quelques phrases sur leurs efforts pour obtenir gain de cause auprès de BOSCH et surtout le rappel de ce que cette opération leur a couté : aller/retour de l’appareil, geste commercial…
Bref, gentiment, le schéma s’est inversé : ils parlent d’eux et, si bien, qu’on a presque de la peine pour eux. Sur l’embarras du client, pas un mot, ni sur le temps qu’il a passé à rapporter l’appareil, à discuter, à leur écrire, à attendre une solution… Ils ne sont donc ni coupables ni responsables mais juste victimes de leur fournisseur BOSCH qui n’a pas voulu assumer cette déficience d’un appareil, 20 jours après la fin de la garantie. L’argumentation est telle que nous sommes invités à penser qu’ils ne sont pas suffisamment puissants face à lui. Certains naïfs le croiront peut-être mais sûrement pas en tout cas ceux qui, tel David contre Goliath, savent ce que veut dire négocier avec la grande distribution au moment, par exemple, des remises de fin d’année…
Leçons à tirer d’une telle déconvenue. Dans ces grandes chaînes de distribution où l’on parle de plus en plus d’une relation de confiance, d’une relation gagnant/gagnant entre le client et le vendeur, il faut donc comprendre le contraire : il s’agit d’un leurre, d’une tromperie. La vérité est qu’au fond, dans le processus économique qui va du fournisseur au client final, la responsabilité incombe au client et à lui seul. Mais alors, à quoi servent ces belles valeurs affichées partout et sans cesse tournées vers le service au client ? Ne sommes-nous pas en fait devant un mensonge organisé selon le schéma suivant : quand il s’agit de vendre, ils sont les « sachants », quand il s’agit du SAV, ils sont les victimes mais quand il s’agit d’assumer les conséquences de leur mauvais choix au bout de ce processus, ils affirment que le client est le seul responsable des problèmes techniques des produits achetés ; lui qui ne les maîtrise évidemment pas. En l’occurrence, ce que veut ce client, c’est seulement tailler sa haie…
Mais le pire est cette attitude commerciale dévoyée qui reflète bien la tendance du moment. A l’heure même où tout le discours de ces chaînes de distribution s’embaume d’humanité affichée (on est là pour vous servir…), la réalité est tout autre : la relation commerciale s’appauvrit en faisant fi de tout échange, en reportant sur d’autres la part de responsabilité qui leur incombe. Le client n’est plus qu’un portefeuille et rien d’autre et le court terme d’une affaire vite faite l’emporte sur le long terme d’une relation de confiance. Ces chaînes de grande distribution sont-elles seulement conscientes de ce vers quoi de tels choix excessifs les entraînent ? Rien n’est moins sûr…
Dans l’univers professionnel, le constat malheureux de cette perte relationnelle est le même. Il est décrit dans le roman « Ressources inhumaines » de Frédéric VIGUIER (Albin Michel) dont je viens d’achever la lecture. C’est l’histoire, très bien racontée, de l’ascension professionnelle d’une femme qui, pour réussir, comprend qu’il lui faut se défaire de sa part d’humanité. Cela se passe justement dans l’univers de la grande distribution…
Yves Maire du Poset
Cette histoire s'est passée chez LEROY MERLIN à Quétigny.